Les habitants des berges du Tonlé Sap vivent au rythme des caprices du lac et du fleuve. Ils ont fondé des villages flottants, faits de bateaux et de maisons de palmes et de bambous, construites sur pilotis. Écoles et commerces sont plutôt installés sur pilotis. Mais il n’est pas rare que l’épicier vienne vendre sa marchandise jusqu’aux bateaux-maisons des habitants, dans sa barque surchargée de victuailles. Et l’on trouve même des églises flottantes, avec, comme à Kampong Luong, des bateaux à banquets pour célébrer les mariages !
On connaît peu d’endroits au monde où l’on cueille des poissons dans les arbres. C’est le cas au Tonlé Sap. Avec la mousson, les eaux du lac Tonlé Sap remontent de plusieurs mètres, noyant les forêts de ses berges. Les poissons suivent la montée du lac, mais certains d’entre eux se coincent dans les branches des arbres. Six mois plus tard, quand l’eau décroît, les poissons coincés sont séchés par le soleil et les Cambodgiens des rives n’ont plus qu’à aller les récolter et s’en régaler !
Petite leçon de géographie : on désigne par Tonlé Sap à la fois un lac et un fleuve, qui forment le cœur battant du Cambodge. Un troisième acteur entre en jeu, c’est le Mékong. La fonte des neiges de l’Himalaya, où ce fleuve prend sa source, coïncide avec la saison des pluies. Résultat : le Mékong déborde et déverse son surplus d’eau dans le fleuve Tonlé Sap, qu’il croise près de Phnom Penh. Ce surplus inverse le cours du fleuve Tonlé Sap, qui reflue vers son amont, et vient grossir le lac. Et celui-ci multiplie sa superficie par cinq ou six, ce qui en fait le plus grand lac d'Asie du Sud-est. Pascal Marion